L' Âge des Vikings
Selon l'historiographie traditionnelle, l’Âge des Vikings, ou ère viking, est le nom de la période qui suit immédiatement l'Âge de Vendel entre 793 et 1066 de notre ère. Cette période est marquée par l'expansion rapide du territoire des Vikings, guerriers et marchands scandinaves, qui lancent d'abord des raids côtiers en direction des monastères chrétiens, avant de remonter grâce aux fleuves vers l'intérieur des terres. Les invasions et pillages concernent une grande partie de l'Europe, y compris les territoires russes, le nord de l'Afrique et la Méditerranée, et même le nord-est de l'Amérique du Nord. Hormis l'exploration de l'Europe par ses océans et rivières grâce à leurs connaissances avancées en matière de navigation et l'extension de leurs routes de commerce à travers de vastes parties du continent, les peuples Vikings se sont aussi engagés dans des guerres, et ont, par leurs implantations durables sur de vastes pans du territoire, notamment contribué au développement du système féodal en Europe.
HISTOIRE
La première référence traditionnelle historique à un raid viking date de 787 lorsque, d'après la chronique anglo-saxonne, ils tuèrent un officier anglais qui, les prenant pour des marchands, voulait leur faire payer des taxes commerciales. Néanmoins, on s'accorde plutôt pour dater le début des raids vikings dans les îles Britanniques le , quand cette même chronique rapporte le pillage du grand monastère de Lindisfarne.
Cet effet de source dans l'historiographie masque l'archéologie viking qui met en évidence que si l'on entend par phénomène viking des raids par la mer de peuples germaniques de Scandinavie, il commence à la fin du iie siècle à l'âge du fer romain (en), correspondant selon la terminologie archéologique à la période VIII de Montelius.De plus, des sources écrites mentionnent des attaques vikings avant 793 : Grégoire de Tours note dans son Decem Libri Historiarum menée entre 512 et 520 par le roi danois Chlochilaïc en Austrasie.
Les années 794 et 795 furent marquées, d'après les annales d'Ulster, par d'importants raids vikings sur les côtes septentrionales de l'Irlande, et notamment sur l'île d'Iona.
La fin des raids vikings en Angleterre est traditionnellement datée par la tentative ratée d'invasion du pays par Harald III de Norvège, qui fut battu par le roi saxon Harold Godwinson à la bataille de Stamford Bridge en 1066, puis par un descendant viking, Guillaume le Conquérant. En Irlande, elle prit fin avec la prise de la ville viking de Dublin par Strongbow et ses troupes hiberno-normandes en 1171. En Écosse enfin, ce fut la défaite du roi Håkon IV de Norvège par les troupes royales d'Alexandre III d'Écosse à la bataille de Largs.
Dans les pays scandinaves, la fin de l'ère viking est généralement datée par l'établissement d'une véritable autorité royale et l'établissement du christianisme.
Causes du phénomène d'expansion
Les écrits norrois de cette époque se bornant à quelques épitaphes runiques, l’analyse des historiens se fonde essentiellement sur les témoignages des victimes, souvent largement postérieurs aux événements, influencés et déformés. L’archéologie apporte cependant des éclaircissements déterminants.
On peut opposer aux thèses classiques mettant en avant des causes démographiques, la situation intérieure en Scandinavie ou une expansion initiale à base commerciale. Une thèse récente met l'accent sur un réel affrontement religieux.
Expansion démographique
Un réchauffement climatique autour du xe siècle aurait amplifié les raids vikings. Cela aurait entraîné la croissance des productions agricoles et, par conséquent, une hausse démographique. Les raids vikings auraient été un moyen de réponse à une expansion démographique. Les historiens pensent que cet argument concerne au plus l'ouest de la Norvège. Au contraire, pour l’historien François Neveux, « on peut affirmer que l’argument de la surpopulation est aujourd’hui largement discrédité par les découvertes archéologiques ».L'archéologie rurale scandinave a révélé que les terres cultivées étaient moins étendues à l'époque viking qu'au début de notre ère.On pourrait en déduire que la surpopulation ne semble donc pas avoir affecté la Scandinavie au viiie ou ixe siècle, mais il s'agirait d'une conclusion rapide : pour réduire la pression démographique, les Scandinaves pourraient avoir préféré conquérir des meilleures terres dans le sud plutôt que défricher des terres ingrates, gelées six mois par an. Mais le réchauffement climatique n’explique pas à lui seul les raids vikings puisqu'il ne commence qu’aux environs du xe siècle et les premiers raids datent du viiie siècle.
Les raids vikings commencent au viiie siècle. La Scandinavie est alors constituée d’une multitude de petits royaumes. La volonté d’établir des grands royaumes centralisateurs dans les pays scandinaves n'apparaît qu'avec la christianisation. Des princes convertis au christianisme bénéficient d'alliances chrétiennes pour accéder au pouvoir.
Au ixe siècle, le Danemark et dans une moindre mesure la Norvège connaissent de nombreux conflits internes liés à l'opposition entre les jarls (comtes ou ducs, parfois souverains) et aux crises de succession. Le roi des Danois peine à s'imposer aux différents clans et à sa famille même. Les raids en Europe financeraient les guerres entre aristocrates et augmenteraient le prestige des candidats au pouvoir.
Piste commerciale
Les Scandinaves commerçaient au moins depuis l’époque romaine ; ils avaient coutume de s’installer à la belle saison dans des vicus et ils connaissaient donc parfaitement le reste de l’Europe. Au viie siècle, les Arabes perturbent le commerce en Méditerranée. En Europe, cela entraîne la réorientation du commerce vers l'aire de la mer du Nord. Les marchands occidentaux trouvent en Scandinavie des fourrures, du bois, de l'ambre et de l'ivoire et échangent avec les Scandinaves du vin, de l'argent et des armes. Les comptoirs de Birka en Suède, de Hedeby et de Ribe sur les côtes du Jutland se développent. Les Scandinaves qui acceptent la « prima signatio » (petit baptême chrétien) sont autorisés à commercer comme par le passé. Leurs comptoirs commerciaux auraient également servi à « faire du renseignement » pour les futurs raids : selon l'historien Stéphane Lebecq, « le commerce a pavé la voie aux raids vikings »
Charlemagne a tenté à maintes reprises des offensives contre le Danemark, sans résultat. Il provoqua une réaction et c’est sous son règne qu’eurent lieu les premiers raids vikings. L'Empire franc était très puissant et a pu résister aux attaques vikings. L’Empire carolingien entame un long déclin après la mort de Charlemagne : il est mal défendu et souvent en proie à des guerres internes. Les Vikings profitent alors des faiblesses de ce vaste empire. Commerçants, certains Scandinaves se transforment occasionnellement en pillards.
Pour le linguiste Régis Boyer, ce phénomène est renforcé par le mercenariat : les Carolingiens, seigneurs ou souverains, utilisaient les Vikings comme mercenaires lors de leurs guerres internes, ou comme alliés occasionnels. Installés sur l'embouchure de l'Escaut, ils sont, par exemple, les alliés du comte Herbert de Vermandois pour dévaster le Tournaisis [Annales de Tournai - Archives Communales de Tournai] Cette lecture est cependant discutable. En Grande-Bretagne, les historiens constatent que ce sont les Vikings qui manipulent les souverains indigènes, surnommés « rois fantoches » ; il serait étonnant que ceux qui dominent le jeu politique en Grande-Bretagne se contentent d'être des pions en Francie. Les faits semblent d'ailleurs suggérer que les Francs ont eu quelques difficultés à « contrôler leurs mercenaires ».
Réaction à la conquête franque de la Saxe et à la christianisation
Pour certains, le phénomène viking serait une « légitime » réaction à la christianisation de la Saxe par Charlemagne.
L’écrivain Rudolf Simek avance que « Ce n’est pas un hasard si le début de l'activité viking s'est produit sous le règne de Charlemagne […] La montée du christianisme constituait une menace en soi »[15].
« Ce n’est pas un hasard si le début de l’activité viking s’est produit sous le règne de Charlemagne. La menace militaire franque, soumission des Frisons et des Saxons, à la frontière du Danemark, aurait provoqué un changement soudain de l’attitude des Scandinaves [...] La montée du christianisme constituait une menace en soi. Bien que les monastères aient été intéressants à piller et mal gardés, si l'on considère cette hypothèse il apparaît clair que le premier raid « officiel » viking se soit porté sur l’île de Lindisfarne, et qu’il ait visé un monastère (bien que l'attrait d'un butin mal protégé soit à envisager), protagoniste sans défense de la nouvelle foi, qui constituait une menace politique et idéologique pour la Scandinavie. »
Toutefois, cette théorie ne permet pas d'expliquer pourquoi les attaques Vikings ont commencé puis se sont concentrées sur les îles Britanniques, qui n’étaient en rien concernées par la « vengeance » saxonne, n'arrivant en terres Carolingiennes que bien plus tard, alors que l'Empire était très affaibli par ses divisions internes (Traité de Verdun notamment).
Il s'agirait pour certains « d'une haine de religion des Vikings envers les Chrétiens », ce qui expliquerait selon les partisans de cette théorie que ce soient principalement les églises, les cloîtres et les autres édifices sacrés avec leurs habitants les nonnes, les moines et les prêtres qui furent l'objet de pillages et de massacres en règle. Les Vikings agissaient ainsi dans leurs raids, non contents de voler les biens de l'Église, « ils piétinaient et s'acharnaient sur les reliques sacrées, insultaient et outrageaient, mus par une véritable haine à l'encontre de la religion chrétienne ».
Toutefois, il faut remarquer que les églises et abbayes étaient des cibles particulièrement faciles, puisque non défendues, et permettaient de dégager un butin relativement intéressant avec peu de risques. Le comportement des Vikings vis-a-vis de temples construits pour une divinité qu'ils ne vénèrent pas n'est en cela pas différent de ce que l'on retrouve chez la plupart des envahisseurs, depuis la haute antiquité (pillage des temples égyptiens) jusqu’à nos jours (destructions de reliques antiques par des islamistes).
Quelques écrivains avancent cependant l'argument religieux parmi les raisons possibles des pillages opérés par les Vikings. On retrouve des traces de cet argument chez Olaf Olsen,Pierre Barthélemy,Élisabeth Deniaux, Claude Lorren, Pierre Bauduin, Thomas Jarry, Lucien Musset,, François-Xavier Dillmann, ou encore Michel Rouche,et Pierre Miquel.
Montesquieu également avait son avis sur ce sujet ; il écrit dans De l'esprit des lois, « Ils [Les Vikings] attribuoient aux ecclésiastiques la destruction de leurs idoles, et toutes les violences de Charlemagne, qui les avaient obligés les uns après les autres à se réfugier dans le nord. C’étaient des haines que quarante ou cinquante années n’avaient pu leur faire oublier ».
Un autre facteur serait la destruction de la flotte frisonne par Charlemagne vers 785, qui interrompit le flux de nombreux commerces de biens avec l'Europe centrale vers la Scandinavie et força les Vikings à aller les chercher eux-mêmes.
Phases
L'historiographie place traditionnellement en 793, année du saccage de l'abbaye de Lindisfarne en Angleterre, le début des invasions vikings. En réalité, des Norvégiens avaient déjà sévi quelques années plus tôt en 789 sur la côte méridionale de l'Angleterre et Grégoire de Tours mentionne dans son Decem Libri Historiarum l'attaque menée entre 512 et 520 par le roi danois Chlochilaïc en Austrasie .Mais l'épisode tragique de Lindisfarne a tellement frappé les contemporains que les historiens continuent à le présenter comme le premier événement de l'âge viking.
Suivant une périodisation formulée par l'historien danois Johannes Steenstrup (1844-1935), l'historien Lucien Musset repère deux grandes phases d'invasions : la première entre 790 et 930 et la seconde entre 980 et 1030. Entre les deux périodes, l'Europe connut quelques dizaines d'années subdivise d'accalmie.Mussetensuite la première phase en trois mais cette partition n'est pertinente que pour les Danois envahissant la France :
- entre 800 et 850, les Vikings se contentent de piller les monastères ;
- entre 850 et 900, les Vikings découvrent la faiblesse des défenses franques et organisent de véritables opérations militaires depuis des îles situées sur les fleuves francs ; ils procèdent de plus en plus par intimidation. Les populations s'en débarrassent temporairement en leur versant un tribut (le danegeld) ;
- de 900 à 950, c’est le temps de la colonisation : les Francs incapables de mettre fin aux invasions par la force autorisent les Vikings à s’installer sur leurs terres.
Et Pierre Bauduin de préciser : « si ce schéma offre un cadre de lecture au mouvement viking, il ne correspond pas à un plan préétabli et les étapes en ont été franchies à des dates différentes selon les régions ».
Régis Boyer propose une autre périodisation qui reprend partiellement celle de Musset. Il distingue trois « vagues » d'invasions:
- entre 800 et 850, les Vikings procèdent par tâtonnement et testent leurs adversaires ;
- entre 850 et 900, sûrs de leur force, ils exploitent les territoires envahis, voire les conquièrent ;
- entre 980 et 1050, après une phase d'accalmie qui a vu l'installation des Vikings en différentes régions (Angleterre, Normandie, Groenland…), des Scandinaves repartent sur les mers, dernier soubresaut des invasions. Il s'agit surtout de Danois qui s'attaquent à la Grande-Bretagne, et dans une moindre mesure, de Suédois qui se mettent en route pour l'Asie musulmane.
Fin de l'Âge des Vikings
On date la fin du phénomène viking vers le milieu du xie siècle. Parmi les hypothèses, on retient la conversion au christianisme, qui a entraîné la fin du commerce (et du rapt lors des raids) des esclaves et instauré une Église hostile aux raids, la concurrence commerciale des Frisons, l’unification des peuples scandinaves sous la direction de rois (dont l’intérêt n’était plus d’organiser des expéditions de pillage à l’étranger) et une meilleure organisation de la défense chez les victimes (multiplication des châteaux forts), avec des États forts et organisés parfois même apparus en réponse aux Vikings (c’est le cas de la France, de la Grande-Bretagne, de la Russie et de l’Irlande).
Le roi de France Charles III, désireux de mettre fin aux pillages incessants, a accordé le territoire de Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte au chef Viking Rollon (son nom désignant « la terre des hommes du Nord »), ce qui les a également dissuadés de poursuivre leurs assauts contre ce pays.
Le goût des expéditions persista chez les Norvégiens et certains historiens considèrent le pèlerinage du roi de Norvège Sigurd Jorsalafare en Terre sainte (1108-1111) comme une expédition viking (Croisade norvégienne).
Dans les Îles britanniques, les raids norvégiens continuèrent après le xie. Le roi de Norvège Magnus Barfot est tué en 1103 lors d'une expédition dans l'Ulster (Irlande). Entre 1151 et 1153, le roi de Norvège Eystein Haraldsson effectue une campagne de pillage des côtes orientales de l'Écosse et de l'Angleterre. En 1171, Askulf Mac Torkil, dernier roi scandinave de Dublin, est tué en voulant reconquérir son royaume, conquis par les forces anglo-normandes. Au xiiie, le roi de Norvège Haakon Haakonsson lança les dernières expéditions scandinaves en Écosse ; il meurt en 1263 dans les Orcades.
Expansion géographique et raids vikings :
Les Vikings ayant envahi l'Europe occidentale venaient principalement du Danemark, de Norvège et de Suède. Après avoir mené de nombreux raids sur l'Europe, et en particulier la Grande-Bretagne et l'Empire carolingien, ils ont colonisé de nombreuses contrées tel la Normandie, les îles Féroé, l'Islande, le Groenland et brièvement une partie de l'Amérique du Nord.
L'Empire carolingien fut particulièrement touché par ces attaques, les Vikings remontant la Seine sur leurs navires (dont le nom de l'époque est langskip soit « long navire », et non drakkar). Ces raids se succédèrent jusqu'à ce que le roi Charles le Simple décide, en 911, de nommer le chef viking Rollon, d'origine danoise ou norvégienne, duc héréditaire de ce qui deviendra la Normandie, étymologiquement le « pays (-ie) des hommes (-man-) du Nord (Nor-...-d-) ». En échange, il obtint de lui un serment de fidélité, sa conversion au christianisme et la promesse de défendre le Nord du royaume contre les incursions des autres groupes vikings. Quelques générations plus tard, les descendants vikings, complètement intégrés au peuple gallo-franc local, ayant adapté leur langue et leur culture, se lancèrent sous l'égide du duc d'alors, Guillaume II de Normandie, à la conquête de l'Angleterre, où ils formèrent une aristocratie francophone qui influença grandement l'évolution culturelle et linguistique de ce pays insulaire.
À l'Est, des Vikings d'origine danoise et surtout suédoise écumèrent le réseau fluvial de l'actuelle Russie, commerçant avec les peuples slaves locaux, qu'ils pillent aussi. Nommés Varègues ou Rus, ces Scandinaves fondèrent de nombreuses villes le long de la Volga, et y formèrent peu à peu des principautés indépendantes, comme le prince Riourik à Novgorod, qui formèrent le berceau de la future principauté de Kiev et, rétrospectivement, de la nation russe. Ces États rus persistèrent jusqu'à l'invasion mongole de 1240.
Certains de ces Vikings continuèrent jusqu'à la mer Noire et Constantinople et mirent en place d'importants liens commerciaux avec l'empire byzantin à travers le fleuve Volga.
Aires géographiques
L'origine géographique des Vikings semble déterminer la direction de leur expansion. Les Varègues (Suédois) se seraient dirigés vers l'est, autour de la Baltique et en Russie. Les « Norvégiens » auraient concentré leur raids sur les îles Britanniques tandis que les Danois se seraient répandus autour de la Mer du Nord, de la Manche et sur les côtes atlantiques de la Gaule. Toutefois, toute tentative de sectorisation trop rigoureuse serait à bannir. Les bandes vikings mêlent parfois Danois et Norvégiens et certaines régions comme l'Irlande ou l'Angleterre sont disputées entre ces deux peuples. On voit aussi le futur Harald III de Norvège et les autres survivants de la Bataille de Stiklestad s'exiler à Kiev puis Constantinople où ils constituent la garde varègue.
Vers l'est : Varègues
Les Vikings originaires de l’actuelle Suède, bientôt nommés « Varègues », étendent leur domination à l’Est de la Mer Baltique. Les premières traces archéologiques vikings montrent des établissements dès 730-750 autour de Staraïa Ladoga puis à Rostov, où ils fondent une forteresse gardant la route commerciale de la Volga, enfin autour de Novgorod vers 820. Vivant du commerce, de la piraterie et du pillage et s’offrant comme mercenaires, ils écument le réseau fluvial et lacustre des futures Ukraine et Russie (avec leurs langskips à faible tirant d'eau), leur but étant d'atteindre Constantinople. Certains Varègues y parviennent, descendant le Dniepr puis traversant la mer Noire. La pierre runique de Berezan atteste l'existence de ces voyages. En 838, ils se présentent devant la capitale de l'Empire byzantin. Plus tard, l'empereur en recrute pour composer sa garde personnelle. D'autres Varègues empruntent une route plus longue : ils suivent la Volga, naviguent sur la mer Caspienne, passent par Bagdad pour rejoindre Constantinople. Dans les années 1040, une expédition varègue dirigée par Ingvar atteint même l’Afghanistan.
Les « Suédois » arrivent dans la future Russie comme mercenaires des tribus slaves et finnoises, éprouvant de graves difficultés pour s'unifier face aux tatars. Ils établissent plusieurs comptoirs et fondent une principauté autour de Novgorod, puis ils s'emparent de celle de Kiev. L'expansion ultérieure de cette principauté, à la lignée princière Varègue bien que devenue slave culturellement, et principale alliée au nord est de Constantinople forme la Rous' de Kiev.
De nombreuses controverses d'historiens patriotes, Russes, Ukrainiens et même occidentaux (Régis Boyer en France par exemple) tentent d'y voir l'embryon de la Russie impériale pourtant apparue au xve siècle après la dislocation totale de la Rous' de Kiev en tribus indépendantes, des traditions tatares et slaves plus que nordiques puis les invasions mongoles durant trois siècles.
Vers l'ouest : Danois et Norvégiens
Les Danois organisent des expéditions massives, souvent sous le commandement de rois ou de chefs influents. Ils orientent leurs conquêtes et leurs pillages le long des côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l'océan Atlantique. Leur raids commencent dès la fin du viiie siècle mais s'intensifient après la mort de Charlemagne (814) et la déliquescence de son empire.
Morcelée en multiples royaumes, l'Angleterre est particulièrement touchée. L’Humber et la Tamise constituaient des voies de pénétration privilégiées pour les navires vikings. Entre 875 et 879, les Danois battirent les souverains locaux du nord-est de l'Angleterre et fondèrent un royaume autour de York. Ce territoire s'agrandit aux dépens des rois anglo-saxons jusqu'à recouvrir la Northumbrie, l'Est-Anglie, les Cinq Bourgs (Stamford, Leicester, Derby, Nottingham et Lincoln) et les Midlands du Sud-Est. Alfred le Grand, roi du Wessex, arrêta cette expansion et reconnut en 886 le royaume viking qui prit progressivement le nom de Danelaw, « le pays sous la loi danoise ». En tant qu'État indépendant, le Danelaw survécut jusqu'en 954, assez longtemps pour que cette partie de l'Angleterre connut une imprégnation de la langue scandinave. La densité des toponymes en -by, -beck, -fell, -thwaite, -thorp et -toft l'atteste. Certains mots anglais d'emploi fréquent comme egg, law, booth ou husband sont issus du vieux norrois.
La Gaule présentait aussi une façade maritime très ouverte ; les Vikings empruntèrent régulièrement la Seine, la Loire, la Garonne et les petits fleuves côtiers. Les chroniques des monastères nous apprennent que la Seine charria des flottes scandinaves en 841, en 845, en 851, en 852 et en 856. Ensuite, les envahisseurs choisirent d'hiverner sur une île fluviale. Ils remontèrent la Garonne, atteignirent Toulouse en 844 et firent le siège de Bordeaux en 845. Paris fut assiégée en 845, 856, 861 et finalement en 885, ce dernier étant le plus documenté.
Les Vikings menant des expéditions sur le territoire de l'ancienne Gaule reçurent le nom de « Normands » avant de s’établir durablement dans la région qui porte aujourd’hui le nom de Normandie. Dans la Bretagne voisine, les envahisseurs trouvent un terrain favorable à leur expansion, dans un premier temps parce que le roi breton Erispoë ne dédaigne pas l'alliance des Vikings dans son combat contre les Francs, dans un second temps, parce que les guerres de succession à la tête de la Bretagne favorisent l'emploi de Scandinaves comme mercenaires puis leur installation. À partir de 919, les Vikings deviennent les maîtres de la Bretagne, plus précisément de la région autour de Nantes. Ces Normands de la Loire sont finalement chassés par Alain Barbetorte, petit-fils du dernier roi des Bretons, entre 936 et 939. La Bretagne a failli devenir une seconde Normandie.
Moins bien organisés que leurs voisins danois, les Vikings originaires des côtes occidentales de la Scandinavie (l’actuelle Norvège) formaient des groupes d'individus isolés qui s'attaquèrent à l'Occident dans un but de pillage mais aussi de colonisation. Ils recherchaient en effet des terres agro-pastorales. Leur aire d'expansion recouvre l’Écosse, l’Irlande, le nord-est de l'Angleterre ainsi que les petites îles plus septentrionales comme les îles Féroé, les Orcades, les Hébrides ou les Shetland. L'Irlande constituait une proie de premier choix pour les envahisseurs : riche de ses prestigieux monastères, l'île était divisée en sept « royaumes » qui ne cessaient de se faire la guerre. Vers 840, le Norvégien Turg[e]is (Þorgils) amorça la conquête du pays, conquête rendue difficile par l'intervention des Danois du Danelaw, preuve des rapports conflictuels qui pouvaient exister entre les Vikings. L'apport scandinave en Irlande est en tout cas indéniable puisqu'ils sont notamment à l'origine des villes de Wexford, Waterford, Cork et Limerick.
Des îles Britanniques, les Norvégiens se lancèrent à l'attaque des côtes occidentales de la Gaule et de la péninsule ibérique. D'autres gagnèrent l’Islande. Sur cette île proche du cercle polaire arctique, le but n'était pas de razzier mais bien de coloniser. Arrivés en 870, les premiers colons, des Norvégiens mais aussi des Irlandais et autres Celtes,construisent des fermes. Ils cultivent la terre, élèvent des ovins, des bovins ou des chevaux ou chassent les mammifères marins. L'historien Régis Boyer estime que c'est sur cette île isolée que s'exprima le « génie viking ». Les colons formèrent une société originale, dominée non pas par un roi ou un jarl mais par une assemblée, l'Althing. D'Islande, provient une précieuse partie de la littérature scandinave, au premier chef les sagas et les Eddas (poèmes).
Vers le sud : Sud de l'Europe et Méditerranée
Outre-mer : Groenland et Amérique
Selon le Livre des Islandais, des Vikings commandés par Erik le Rouge partirent en 982 ou 983 d'Islande et mirent le cap vers l'ouest. Après quelques jours de navigation, ils rencontrèrent l'immense masse du Groenland. L'île parut si attirante (le climat était sûrement à l'époque plus favorable) qu'Erik y revint trois ans plus tard afin de coloniser les lieux. L'archéologie a retrouvé une ferme qui atteste de l'occupation viking sous ces hautes latitudes dès la fin du xe siècle.
Les Vikings auraient aussi mis les pieds en Amérique, et ce bien avant Christophe Colomb. En effet, plusieurs sagas, en particulier la Saga des Groenlandais et la Saga d'Erik le Rouge, racontent l'exploration d'une région appelée Vinland par des groupes vikings en l'an 1000. Or dès le xixe siècle, des érudits émirent l'idée que ce Vinland était en Amérique du Nord. En 1960, les archéologues norvégiens Helge et Anne Stine Ingstad découvrirent au nord de Terre-Neuve les ruines d'un campement qui se révéla d'origine viking. D'après les analyses du carbone 14, ce site de L'Anse aux Meadows aurait été occupé entre 980 et 1020 . Il constituerait la preuve que les premiers Européens à débarquer en Amérique étaient des Vikings. Toutefois, cette découverte archéologique ne prouve pas l'exactitude de ces sagas.
Religion et croyances
— Formulation de Gauka-Thorir chapitre CCI Olafs saga hins Helga
« Hann blótađi ekki, hann trúđi á mátt sinn eiginn mattr ok megin. »
— Il ne sacrifiait pas aux dieux, il ne croyait qu’en sa force et capacité de victoire. Au chapitre CCI Olafs saga hins Helga Olafr le gros (st Olaf)
Ces formulations se retrouvent dans d'autres textes anciens, où ils affirment : ne croire qu’en leur propre puissance et capacité de réussir « eiginn mattr ok megin ». Ils disent ne croire qu’en leurs propres forces, et capacité de victoire « afl okkat ».
Le professeur François-Xavier Dillmann dit que « cette locution est le plus souvent utilisée dans les textes norrois au sujet de personnages qui sont réputés avoir délaissé le culte des dieux ancestraux et qui, par conséquent, se situaient en dehors du cadre habituel de l’ancienne société scandinave ».
Les textes médiévaux mentionnent le vocable Forn siðr pour désigner le paganisme scandinave. Leurs croyances ne possèdent aucun credo, pas de prières, pas de prêtres, ni ordre religieux, ni temples, sans foi, sans dogmes.
Les Vikings ne sont en aucun cas des fatalistes subissant un destin. Ce sont avant tout des combattants et des hommes libres qui décident de leur sort au risque de déplaire aux dieux. Ils croient également à la magie et à la divination pour percer les projets de leurs ennemis, des dieux et des forces tutélaires, afin de changer le cours des événements, d'anticiper sur le destin, donc de le modifier, car rien n'est écrit définitivement. Ces faits sont très éloignés et incompatibles avec la vision du destin implacable des auteurs chrétiens qui ont rédigé ou corrigé la quasi-totalité des documents dont nous disposons. Il n'y a donc pas de destin que leur volonté ne puisse modifier.
Il y avait des Scandinaves qui respectaient les dieux mais sans faire d'allégeance et sans sacrifice car ils les considéraient comme des proches parents. Beaucoup se disaient être de leur lignage et en avoir hérité les dons. Néanmoins à ce titre ils se devaient de respecter un code d'honneur et de valeur inhérente à leurs dons et à leur prestigieuse lignée représentée par une force tutélaire qu'ils nommaient la Hamingja. Ils se distinguaient en scandant leur maxime, où ils disaient « ne pas sacrifier aux dieux et ne faire confiance qu’en leurs propres forces et capacité de réussite ».
Mythologie
Mythologie des autres peuples germaniques, les croyances vikings, avant la christianisation, sont mal connues. La mythologie viking a été réinventée de toutes pièces par les chrétiens, lors de la période normande. De même, au xiiie siècle, des auteurs islandais comme Snorri et Saxo Grammaticus s’efforcèrent de reconstituer un panthéon organisé autour de quelques grands dieux, mais deux siècles de conversion au christianisme et d'éradication de l'ancienne religion ont laissé beaucoup d'erreurs dans leurs chroniques L'archéologie et l'examen attentif des témoignages antérieurs à la domination chrétienne, qui semblent être les plus objectifs, permettront d'avoir une idée plus précise de ce qui aurait pu être les croyances scandinaves anciennes.
Les ancêtres des Vikings avaient le culte d’une Déesse Mère et des grandes forces naturelles qu’ils ont représentées plus tard par la création d’un panthéon qui compte notamment Odin, Loki, Thor, Jörd, Frigg, Freyja, Freyr… et le grand arbre Yggdrasill. Il existe des témoignages de l'époque romaine décrivant ceux que l’on nomme « les pères des Vikings » en ces termes :
« Ils (Germains du nord) n’ont ni druides qui président au culte des dieux, ni aucun goût pour les sacrifices, ils ne rangent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient et dont ils ressentent manifestement les bienfaits, le Soleil, le feu, la Lune. Ils n’ont même pas entendu parler des autres. »
— Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules VI, 21
« Ils répugnaient à présenter leurs Dieux sous formes humaines, il leur semble peu convenable à la grandeur des habitants du ciel, ils leur consacrent les bois, les bocages et donnent le nom de Dieux (et Landvaettir) à cette réalité mystérieuse que leur seule piété leur fait voir » « Aucun de ces peuples ne se distingue des autres par rien de notable, sinon qu’ils ont un culte commun pour Nerthus c'est-à-dire la Terre Mère, croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes et circule parmi les peuples. »
— Tacite, Germania IX, 3
Funérailles et Bateau-tombe.
Les funérailles chez les vikings sont connus à partir de sources archéologiques, récits historiques (sagas islandaises, poésie scaldique) et le témoignage de contemporains comme Ibn Fadlân.
Le rite impliquait l'utilisation de bateau-tombe ; le défunt était placé dans un véritable bateau ou dans un bateau de pierre, accompagné de dépôts funéraires, voire d'esclaves sacrifiés, en accord avec son statut. L'ensemble était ensuite recouvert de terre et de pierre afin de créer un tumulus. La Scandinavie comporte de nombreux tumulus construits en l'honneur de rois et chefs vikings, accompagnés de pierres runiques et autres mémoriaux. Un des plus célèbres exemples est le cimetière viking de Lindholm Høje, au Danemark.
La coutume était de laisser du mobilier funéraire avec le défunt, que ce soit un homme ou une femme, et même lorsque le mort était brûlé sur un bûcher. Un homme viking pouvait être enterré avec un aimé, ou avec un thrall (serviteur), qui étaient enterrés vivants avec le défunt ou brûlés vifs sur le bûcher. Le rite devait être suivi correctement afin que le défunt retrouve dans l'Au-delà le statut qu'il avait de son vivant, et afin que son fantôme n'erre pas éternellement sur Terre.
Les funérailles vikings pouvaient représenter une dépense considérable, le tumulus était un monument attestant de la position sociale de ses descendants et des autres clans vikings.
Médecine et magie
Homme ou femme pouvaient être médecins « loeknir ». La magie et la sorcellerie étaient exercées généralement par les femmes appelées Volvas. Les sorciers masculins étaient considérés comme ergi, ce qui avait une connotation très négative de déshonneur, de couardise et non-virilité dans la société viking chrétienne, voire d’homosexuels (passifs).
Les Vikings pouvaient intervenir sur leur destin qui n’était pas toujours perçu comme inéluctable. Ce destin inéluctable est cependant décrit dans la chanson des Nibelungen. Le recours aux magiciennes et aux sorcières par le seiðr était un moyen de questionner les esprits et de s’en servir pour exécuter les ordres du sorcier. On utilisait aussi la magie pour la guérison, porter bonne chance, contrôler le climat, susciter le gibier et le poisson, la virilité, rechercher les choses cachées dans les domaines de l’esprit ou matériel. Mais il y avait également une magie destructive. Il existait d’autres pratiques comme le Galdr, Gandr, útiseta.,magie