Les guerriers d'élite de l'Âge Viking
Les guerriers-fauves
- Les berserker et les ulfhednar
- Le Berserksgangr
- Une confrérie odinique- Zoom sur le hamrammr
- L'initiation et les rituels des guerriers-fauves
- Le statut des guerriers-fauves dans la société
- Des svinfylkingar?
Les Jomvikings
- L'origine des Jomsvikings
- Le code de conduite des Jomsvikings
- Les batailles des Jomsvikings
- Un massacre dans le Dorset
La garde varangienne
- L'origine et la composition de la garde
- Les fonctions de la garde varangienne
Les housecarls
Viking
Un barbare sanguinaire vêtu de peaux de bêtes... voilà la représentation courante du guerrier viking dans l'imaginaire collectif, entretenue notamment par le 7ème art. S'il va sans dire que cette conception est loin de reflèter la réalité historique des guerriers scandinaves ordinaires, elle n'est cependant pas étrangère à une partie de leurs troupes. D'autres, loin de l'image d'épinal de batailles erratiques, combattaient dans une discipline toute militaire qui leur valait une réputation prestigieuse. Quels étaient ces guerriers d'élites de l'Âge Viking?
Les guerriers-fauves
Les berserker et ulfhednar furent d'après les sagas islandaises, la mythologie nordique mais aussi des sources historiques, des guerriers hors nomes parmi les rangs des guerriers scandinaves de l'Âge Viking. Organisés en fraternités, ils auraient voué un culte à Odin.
Les berserker et les ulfhednar
La plus ancienne référence se trouve dans la Haraldskvæði (récit de la bataille de Hafrsfjördr), un poème du scalde Thorbjörn hornklofi en l'honneur du roi de Norvège, Harald à la Belle Chevelure, à la suite de la victoire décisive de Hafrsfjördr (872), où il est dit que des berserker et ulfhednar auraient participé en hurlant à la bataille.
L'étymologie du terme ulfhedinn (ulfhednar au pluriel) signifie "pelisse de loup". Mais celle du terme berserkr (berserker au pluriel) est plus discutée. Berserkr pourrait signifier "peau d’ours" (du vieux norrois ber särk: "chemise [en peau] d’ours") ou "sans protection" (du norvégien berr särk: "poitrine nue").
Cette dernière interprétation est notamment attestée dans la Saga des Ynglingar: "Les soldats d’Odin avançaient au combat sans armure, Semblables à des chiens ou à des loups enragés, Ils mordaient leurs boucliers ; Forts comme des loups ou des taureaux en furie, Ils foulaient au pied leurs ennemis". Ici, "sans armure" ne figure pas tant la nudité du combattant, que la bravoure du guerrier ne portant pas de bouclier ou de protection spécifique et utilisant donc ses deux mains pour le maniement de la hache ou de l'épée.
Si Régis Boyer ne tranche pas entre les deux interprétations du terme, selon Vincent Samson, auteur d'une thèse de doctorat sur les berserker, il ne fait aucun doute que le nom de ces guerriers a pour origine un ancien nom de l’ours, et les berserkir seraient littéralement les "chemises d’ours". Ainsi, le terme renverrait tout à la fois à leur accoutrement, à leur capacité à "revêtir " l’animal comme à en prendre la forme et le comportement au cours du combat.
L'animalité qui caractérise les guerriers-ours (berserkir) et les guerriers-loups (ulfhednar) dans les sources littéraires inciteront l'anthropologue et historien Georges Dumézil à les désigner sous les termes de "guerriers-fauves ": "soit à la faveur d'un don de métamorphose, soit par une hérédité monstrueuse, le guerrier éminent possède une véritable nature animale". Georges Dumézil établit en cela un parallèle entre les berserker et les Harii mentionnés comme suit dans la " Germanie" de Tacite: "Boucliers noirs, corps peints pour combattre, ils choisissent des nuits noires; l'horreur seule et l'ombre qui accompagnent cette armée de lémures suffisent à porter l'épouvante, aucun ennemi ne soutenant cette vue étonnante et comme infernale".
Selon Georges Dumézil, l'historicité du phénomène incarné par les guerriers-fauves est indéniable et remonterait aux Vème-VIIème siècles.
Le Berserksgangr
Cette rage ou folie furieuse, immédiate, soudaine et imprévisible, expérimentée par les guerriers-fauves est connue, d'après la Saga des Ynglingar sous le nom de berserkergangr: "Ni le feu ni le glaive ne pouvait les atteindre. Cette frénésie s’appelait Berserksgangr." Le berserksgangr ou littéralement "marche du berserkr ", se distingue par des manifestations caractéristiques:
- Un comportement bestial se traduisant par des cris sauvages, des claqements de dents et des frissons, des morsures incontrôlées ainsi qu'un visage rougeaud et gonflé par la colère.
" Parfois, il me semble entendre un taureau mugir ou un chien hurler, et d'autre fois c'est un peu comme des gens en train de hurler". (Saga de Örvar-Oddr)
"Ljot était un homme puissant, de grande taille. Alors qu’il s’avançait à travers la prairie vers le lieu du combat, il fut secoué par une crise de fureur: il se mit à hurler d’une voix hideuse et mordit le bord de son bouclier." (Saga d'Egill)
- Une immunité contre les armes, tantôt inhérente à l'individu, tantôt obtenue par des incantations ou grâce à la fourure animale revêtue par le guerrier.
"Aucune arme ne pouvait le blesser" ou "le fer n'avait aucune emprise sur lui" sont des phrases récurrentes au sujet des berserker dans les sagas. "Lames et armes ricochaient" sur Bödhvar Bjarki (Saga de Hrólf Kraki).
- Une force surhumaine qui vaut aux berserker d'être souvent comparés dans les sagas à des géants ou des trolls.
Saxo Grammaticus décrit dans la Geste des Danois un berserker du nom de Hardben qui avait en permanence douze hommes autour de lui pour qu'ils l'attachent lorsqu'il entrait en état de fureur. Mais, lorsqu'il reçut une invitation au combat du roi danois Haldan, il tomba soudain dans une telle furie qu'il déchira le bord de son bouclier avec ses dents, qu'il avala des charbons ardents, qu'il traversa un feu crépitant et immola six de ses compagnons.
- La perte de la raison et du contrôle de soi qui ne permet plus aux berserkrs de distinguer les siens de ses ennemis:
" Sur ces géants tombait parfois une telle fureur qu'ils ne pouvaient pas se contrôler, tuant hommes ou bétail, tout ce qui leur tombait sous la main et ne s'était pas mis à l'abri." (Saga de Hrólf Kraki )
"Et c'était leur habitude lorsqu'ils se trouvaient seuls ensembles d'accoster où ils pouvaient, l'état de Berserker (Berserkergang) tombait sur eux et ils se jetaient sur les forêts et les grands rochers; il leur est arrivé aussi de tuer leurs propres hommes et de vider leurs propres bateaux" (Saga de Hervor et du roi Heidrekr)
- Un état de faiblesse proportionnel en durée et en intensité à leur folie furieuse, pouvant durer de un à plusieurs jours, qui fut souvent mis à profit par les héros des sagas pour occire les berserker.
Tant que cette fureur durait, ils n'avaient peur de rien, mais quand elle les quittait, ils étaient tellement impuissants qu'ils n''avaient pas la moitié de leur force, et se trouvaient aussi faibles que s'ils venaient de sortir du lit à la suite d'une maladie. Cette furie durait environ une journée" (Saga de Hrólf Kraki )
"Voici ce que les gens disent à propos de ceux qui changent de forme ou ceux qui ont la furie du berserker: tant et aussi longtemps qu’ils sont dans l’état de rage, ils sont si puissants que rien n’est trop pour eux, mais dès qu’ils en sortent, ils deviennent beaucoup plus faibles qu’en temps normal. C'est ce qui arriva à Kveldulfr; dès que la frénésie le quittait, il se sentait si épuisé par la bataille qu'il avait menée, et devenait ensuite si faible, qu'il devait prendre le lit" (Saga d'Egill, ch. 27)).
Plusieurs théories à travers l'histoire ont été émises afin de tenter d'expliquer comment un tel état a pu être induit chez des individus, de la transe chamanique, à la maladie mentale en passant par des tares génétiques, la lycanthropie et la consommation massive d'alcool ou de champignons.
En 1784, le professeur suédois Samuel Ödman a avancé l'idée selon laquelle les berserker avaient eu recours à l'amanite tue-mouches, à l'instar des chamanes de la péninsule du Kamtchatka. Mais Howard D. Fabing, dans son étude publiée sous le titre On Going Berserk: A Neurochemical Inquiry condition (The Scientific Monthly, Vol. 83, No. 5), a démontré en 1956 que la butofénine, la substance hallucinogène contenue dans cette amanite, crée une gamme de réactions très différentes selon les individus, et a généralement un effet plutôt relaxant et sédatif.
L'approche psychiatrique du berserksgangr, conférant à cette condition une origine épileptique ou hystérique, a été écartée car elle ne prenait pas assez en compte, selon les ethnologues et archéologues qui ont travaillé sur le sujet, les aspects cultuels et mythologiques des tradition scandinave et islandaise. Parmi ces derniers, certains préfèrent se référer à la notion de "culte de la métamorphose" et aux phénomènes d’extases guerrières. En ce sens, Vincent Samson renvoit vers les travaux d'Otto Höfler, pour qui notamment: "l’utilisation des masques constitue dans ce contexte une 'expérience sacrée', au cours de laquelle les participants opèrent une métamorphose psychologique leur permettant d’incarner les puissances surnaturelles".
En 2019, Karsten Fatur, ethnobotaniste à l'Université de Ljubljana en Slovénie, a étudié les effets de la jusquiame noire, plus connue autrefois le nom de hanebane. Une plante herbacée de la famille des Solanacées, connue depuis la Grèce antique, qui constitue une substance intoxicante plus susceptible d'induire l'état de rage des berserker que l'amanite tue-mouches. Utilisée dans diverses cultures au cours de l'histoire comme narcotique, analgésique, traitement de l'insomnie et anesthésique, elle est aussi un remède courant contre le mal des transports qui peut entraîner une perte de mémoire à court terme. En outre, elle pousse rapidement comme une mauvaise herbe et était répandue en Scandinavie à l’époque des berserkers. Un sachet de graines de hanebane a même été découvert dans la tombe d'une femme datant d'environ 980, au Danemark [i.e la fameuse "tombe de la völva" de Fyrkat. Cf. Découverte d'un bijou qui pourrait être celui de la Völva du roi Harald à la Dent bleue].
Une confrérie odinique
Dans les sources littéraires, les berserker constituaient une sorte de corps d'élite du roi. Ce corps d'élite se composait la plupart du temps de 12 membres, au service de rois célèbres (cf. Saga Vatnsdœla, Saga de Hrolf Kraki, Saga d'Egill, fils de Grímr le Chauve). La Saga d'Egill (ch.9) entre autres, précise que les 12 berserker se tenaient à la proue du bateau lors la bataille de Hafrsfjördr, soulignant de la sorte la prééminence de ces guerriers tant par leur statut que par leur promptitude à se lancer à l'assaut de l'ennemi.
Une autre caractéristique commune de ces troupes, parfois mentionnées sous le terme de "fraternités" pour mieux souligner la force du lien qui les unissait, résidait dans le nom de leur chef, souvent nommé Bjorn ("ours"), ou par une variante telle que Gerbjorn, Gunbjörn, Arinbjörn, Esbjörn ou Thorbjorn, Bjarki ("Petit Ours"). Pour les ulfhednar, le nom dérivait de la même manière de Ulfr ("loup") tel que Kveldulfr.
Il est probable que ces fraternités se soient retrouvées au sein d'une confrérie vouant un culte au dieu Odin, car sous de nombreux aspects, les guerriers-fauves lui sont étroitement associés.
Odin est un combattant de l'ombre, à l'inverse de Thor. Sujet à des transes chamaniques, il est soumis au wut ("rage, fureur" en allemand dont dérive Wotan) ou odr (même racine en norrois qui a donné Odin). Cette fureur sacrée à l'origine du nom divin est aussi celle qui permet à Odin de dépasser ses limites, en science, en poésie ou dans la guerre.
Odin est également le dieu de toutes les métamorphoses comme le relate la Saga des Ynglingar: "Odin changeait de forme. Alors son corps gisait comme endormi, ou mort, mais lui, était oiseau ou animal, poisson ou serpent, et il allait en un instant dans des pays lointains vaquer à ses affaires ou à celles d'autrui." Cette capacité à se métamorphoser est nommée le hamrammr.
Zoom sur le hamrammr - Dans les croyances nordiques, le hugr - qui peut se traduire par "esprit"- est susceptible, sous certaines conditions et chez certains individus, de se désincarner et de prendre une autre forme, animale le plus souvent, soit le hamr - qui, par extension, a donné la hamingja désignant la force tutélaire d'un clan (cf. Georges Dumézil et Rudolf Simek). Tous, des animaux aux humains, ont le hamr, sans quoi ils tomberaient dans le domaine de l'inconscient et du végétal. Le hamr en tant que faculté de dédoublement permet alors d'agir mais aussi de s'affranchir des catégories spatiales et temporelles. C'est pourquoi, d'après Régis Boyer, il est plus juste de dire "libérer le hamr", ou "extraire le hamr", que de parler de métamorphose. Le hamrammr (i.e dont la forme est / anormalement/ puissante) serait, avec la fureur, les dons de nature divine que les guerriers-fauves acquéraient. Dans les sagas, ce sont justement les figures du loup et de l'ours qui reviennent le plus fréquemment lorsqu'il est question de "voyage sous la forme". Lorsqu'il s'agit du loup, c'est le vargúlfr . Lorsqu'il s'agit de l'ours, c'est le mannbjörn, l'homme-ours.
La Saga de Hrolfr Kraki raconte comment Bödhvar Bjarki, le champion du roi, fils de Björn ("ours") et de Bera ("ourse"), prit la forme d'un ours sur le champ de bataille. Quant à la Saga d'Egill, elle décrit le hamrammr de Kveldulfr qui : " parfois quand le soir tombait, devenait ombrageux et peu de gens pouvaient alors converser avec lui, il somnolait le soir, le bruit courait qu'il était hamrammr, il avait reçu le nom de Kveldulfr, le Loup du soir."
Enfin, dans la mythologie nordique, les guerriers dévolus à Odin sont ceux d’entre eux qui ont voué leur existence à la guerre et aux batailles, "les offensifs". Les guerriers-fauves étaient dans ce monde à l'image de l'élite formée par les einherjars dans l'au-delà. Chaque jour, les einherjars se battent entre eux dans la vaste plaine d'Idavoll, au centre d'Asgard, et au crépuscule, les morts reprennent vie, les blessés guérissent et tous se retrouvent au banquet d’Odin. Cette immunité surnaturelle n'est pas sans rappeler celle, proche de l'invulnérabilité, dont témoignent les berserker. Dans le Havamál, "Les dits du Très-Haut" (st. 149 et 156), il est question des incantations utilisées par Odin pour induire cette immunité.
L'initiation et les rituels guerriers
Les pratiques d'un tel culte par les fraternités de guerriers-fauves relevaient sans doute d'un secret d'initiés, dont seuls quelques indices esquissent la nature.
L'empereur byzantin Constantin VII Porphyrogénète (913-959) était un érudit qui rédigea 3 ouvrages dont le De Ceremoniis Aulæ Byzantinæ (Le Livre des cérémonies), une vaste compilation de textes sur la vie et les rituels de la cour impériale, comprenant aussi des informations sur l'armée et les campagnes militaires. Il a consigné dans cette somme une "danse goth" réalisée par les membres de sa garde varangienne, qui n'y prenaient part qu'en portant des peaux d'animaux et des masques. Cette danse pourrait avoir été liée à des rites berserker.
La documentation épigraphique et iconographique de pratiques de transes ou danses guerrières remonte au VIème et VIIème siècles et a pu être répandue, avec des variantes, dans diverses régions de culture germanique, comme le montrent les plaques de Torslunda, les ornements du casque de Sutton Hoo ou du fourreau de Gutenstein, qui mettent tous en scène des personnages avec des têtes d'ours ou de loup, vêtus de peaux d'animaux, mais avec des mains et des pieds d'homme, et d'autres, équipés de lances ou d'épées, représentés en train de courir ou de danser.
Quant à l'usage de masques, il est attesté par deux découvertes archéologiques rarissimes de l'Âge Viking, faites sur le site de Hedeby, sans que ces exemplaires puissent toutefois être rattachés directement aux rituels des guerriers-fauves. Le premier masque, en feutre fin (0.4cm) et de couleur rouge, mesure 19x14cm et est censé représenter un mouton ou un chien, dont le museau a été façonné en relief Le deuxième masque, en serge moyennement fine (de 0.9 à 1.7cm), mesure 20x26cm et est censé représenter une vache. Seule la moitié de ce masque, qui se composait de différentes parties - dont l'une en feutre pour le museau- cousues ensemble, s'est conservée (Die Textilfunde aus dem Hafen von Haithabu, Inga Hägg). Inga Hägg estime que ces masques auraient été portés avec une capuche couvrant le reste de la tête, à laquelle ils pouvaient être attachés, ou épinglés ou cousus.
D'autres pratiques rituelles attribuées aux berserker sont évoquées dans les sagas et peuvent illustrer ce qu'aurait été l'initiation d'un jeune guerrier intégrant une confrérie de berserker. D'après les récits, cette initiation aurait pris la forme d'un combat, réel ou simulé, avec un ours ou un adversaire redoutable. La Saga de Grettir raconte qu'un homme nommé Björn jeta le manteau de Grettir dans la tanière d'un ours. Grettir tua l'ours, récupèra son manteau, et revint avec une griffe de l'ours comme symbole de sa victoire sur l'animal. Dans la Saga de Hrólf Kraki, Bodhvarr Bjarki veille à l'initiation de Hjalti: Bodhvar Bjarki commença par tuer une bête aux allures de dragon, puis il tendit la peau de l'animal sur un cadre afin que Hjalti "attaque" la bête et la tue symboliquement devant témoins, gagnant ainsi sa place parmi les guerriers.
Le statut des guerriers-fauves dans la société
Le statut des guerriers-fauves dans la société de l'Âge Viking est ambigu. En tant que guerriers d'élite au service d'un roi, et sous l'égide du dieu Odin, leur fonction prestigieuse devait susciter l'admiration. Mais la violence engendrée par le berserkergangr a sans doute plus provoqué des sentiments d'horreur et de terreur. Le fait est que s'en prendre indistinctement à ses amis ou aux membres de sa famille, allait véritablement à l'encontre de l'éthique héroïque qui exigeait loyauté et fidélité à ses proches. Le statut du berserker flirtait donc avec la classe sociale des niðingr, c'est-à-dire celle des hommes faibles, objets de haine et de mépris. Une pierre runique (U 954) du XIème siècle découverte à Söderby, dans l'Uppland (Suède), en témoigne: "Eyríkr(?)/ Auðríkr(?) et son père, ont érigé la pierre en mémoire de Helgi, leur frère. Et Sassurr l'a tué en agissant à la manière d'un niðingr- il a trahitson partenaire [félag]. "
En plus de leurs débordements meurtriers au sein de leur propre communauté, les sagas et la Geste des Danois de Saxo Grammaticus rapportent que les berserker faisaient montre d'un insatiable appétit sexuel, enlevant et violant indifféremment vierges, promises et épouses.
Il ne fait aucun doute que, pour toutes ces raisons, à laquelle il faut sans doute ajouter la christianisation, les guerriers-fauves tombèrent en disgrâce et disparurent. Leurs excès les rendirent semblables, au regard des sources littéraires, à "un groupe de prédateurs querelleurs et d'assassins qui perturbèrent la paix de la communauté viking à plusieurs reprises", comme le résume Howard D. Fabing dans son étude. Et ce fut à un point tel, que vaincre un berserk en combat singulier devint un exploit digne des plus grands héros des sagas islandaises.
En 1015, le roi norvégien Éric Håkonsson déclara les berserker hors-la-loi, ainsi que les duels [hólmganga en vieux norrois et en islandais], tant il était devenu une pratique courante pour un berserk de défier en combat singulier des hommes de biens, de les tuer et de prendre possession de leurs richesses comme de leurs femmes. Une tactique difficile à contrer, puisqu'un homme ainsi défié en duel avait jusqu'alors l'obligation d'y répondre en personne, ou bien d'avoir un champion prêt à se battre pour lui, sous peine d'être considéré niðingr, lâche.
La Saga de Grettir (st. 19) illustre à deux reprises la décision du roi: "Il était considéré comme un scandale dans le pays que des pilleurs et des berserker puissent entrer dans le village et défier des honnêtes gens en duel pour leur argent ou pour leurs femmes, sans verser d'argent en contrepartie des morts. Beaucoup avaient perdu leur argent et s'en retrouvaient fort honteux; certains avaient en effet perdu la vie. Pour cette raison le jarl Eirik fit interdire tous les holmgangs en Norvège et déclara hors-la-loi tous les voleurs et les berserker qui dérogeaient à la paix." (...) "Les pires de ces bandits était deux frères nommés Thórir Thömb et Ögmund le mauvais. Ils venaient d'Halogaland et étaient plus grands et plus forts que les autres hommes. Quand ils se mettaient en colère, ils tombaient dans la fureur du berserk, et rien ne leur échappait. Ils emportaient les femmes des hommes, les gardaient une semaine ou deux et les renvoyaient ensuite. Partout où ils allaient, ils commettaient des vols et d'autres actes de violence. Le jarl Eirik les a déclarés hors-la-loi dans toute la Norvège. "
L'Islande chrétienne promulga en 1123 une loi instituant un bannissement du pays d'une durée de 3 ans, de tout individu identifié berserkr. Dès le XIIème siècle, l'avènement du christianisme évacua donc définitivement de la société les croyances et pratiques païennes auxquelles furent rapidement assimilé le berserkergangr.
Des svinfylkingar?
Il est courant de trouver sur Internet des références aux svinfylkingar, qui seraient à l'instar des berserker et des ulfhednar, des "guerriers-sangliers" vouant un culte au dieu Freyr. Ce n'est attesté par aucune source.
Cependant, le terme svinfylking signifiant "tête/groin de sanglier", est le nom donné à une version de la formation tactique en coin, utilisée dès le début de l'Âge du Fer en Scandinavie puis par les Vikings. Elle est connue sous le nom "schweinskopf" par les peuples germaniques. Son invention a été attribuée dans la mythologie nordique au dieu Odin .
La pointe de cette formation en triangle était composé d'un seul guerrier. Le nombre de guerriers augmentait ensuite de manière constante d'un individu à chaque rang. Les guerriers issus de la même famille ou d'un même clan étaient priviligiés au sein de cette formation afin d'ajouter à sa cohésion. Cette tactique permettait de mener une charge offensive éclair pour briser une colonne ou des lignes ennemies.
Les guerriers, à pied ou à cheval, assignés à cette formation étaient vraisemblablement lourdement armés pour le corps-à-corps.
Les Jomsvikings
Les Jomsvikings ou Vikings de Jomsborg fut un corps d'élite formé de mercenaires vikings du IXème et XIème siècle, réputé pour sa bravoure au combat. Si, à la différence des berserker et des ulfhednar, les Jomsvikings étaient rattachés à un bastion, il formaient comme eux une fraternité guerrière intrépide, vouée aux cultes des dieux Thor et Odin.
Leur légende n'a dégale que les mystères qui les entourent, car le lieu de la forteresse de Jómsborg qui les abritait et dont ils partageaient le nom, n'a toujours pas été identifié avec certitude, et pour cette raison, de nombreux historiens remettent en question jusqu'à leur existence. Toutefois, les découvertes archéologiques viennent étayer ce que les sagas islandaises du XIIème et du XIIIème siècles racontent à leur sujet .
L'origine des Jomsvikings
Quand, comment et où le corps d'élite des Jomsvikings fut fondé sont des questions qui n'ont pas encore été complétement élucidées.
Saxo Grammaticus raconte dans la Geste des Danois qu’une colonie appelée Julinum fut conquise par le roi du Danemark, Harald à la Dent bleue alors banni par son fils Svein à la barbe fourchue, qui la donna au prince suédois Styrbjörn le Fort. Harald ensuite lui procura une puissante force (les Jomsvikings), avec laquelle Styrbjörn terrorisa les mers.
La Knýtlinga saga ("saga des descendants de Knut") désigne aussi Harald comme fondateur des Jomsvikings, mais l’histoire de Styrbjörn ne dit rien à ce sujet.
La Saga des Jomsvikings dit que l’emplacement fut un chois de Palnatoke (un héros danois légendaire et chef de l'île de Fionie, qui éleva le fils d'Harald à la Dent bleue, Sven à la Barbe fourchue, et fut un farouche défenseur de l'ancienne foi) seul, qui avait reçu ce site du mythique chef wende, Burislav.
Le Styrbjarnar þáttr Svíakappa ("Récit de Styrbjörn le champion suédois") et l’Eyrbyggja saga ("Saga de Snorri le Godi") s’accordent avec les versions précédentes, faisant de Styrbjörn l’homme qui prit la tête des Jomsvikings lorsqu'ils s’établirent. Le Styrbjarnar þáttr Svíakappa précise que parmi les hommes du Nord, il y avait des hommes des terres de l’Est, suggérant que la garnison était constituée principalement de Wendes commandés par des Danois.
Ces Danois couramment cités dans les sources littéraires à la tête des Jomsvikings sont: Palnatoke, Styrbjörn le Fort, Sven à la Barbe fourchue, Sigvaldi Strut-Haraldsson, Thorkell le Grand et Hemeng.
La forteresse de Jomsborg serait, quant à elle, située sur la côte sud de la mer Baltique, d'après la Saga des Jomsvikings, la Saga du roi Olaf et le Flateyjarbók,. Certains historiens et archéologues affirment que le célèbre bastion des Jomsvikings se trouverait sur l'île de Wolin, sur la colline Silberberg au nord de la ville polonaise actuelle de Wolin. Mais aucune découverte archéologique n'est venue le confirmer. Selon les descriptions, d'une source à l'autre, la baie aurait pu permettre l'amarrage de 30 à 300 bateaux.
Le code de conduite des Jomsvikings
Les Jomsvikings observaient un code de conduite strict, et une discipline d'obéissance toute militaire était de rigueur. La violation d’une seule de ces règles pouvait être sanctionnée d'un refus d'admission ou d’une expulsion immédiate de l’ordre.
- Seuls les hommes entre 18 et 50 ans, ayant prouvé leur valeur au combat, étaient autorisés à rejoindre la troupe. La seule exception connue fut Vagn Åkesson, un garçon qui vainquit Sigvaldi Strut-Haraldsson en combat singulier à l’âge de 12 ans. Pour être admis, les intéressés devaient donc accomplir une prouesse physique, prenant le plus souvent la forme d’un duel rituel (ou holmgang) avec un Jomsviking.
- Les antécédents familiaux n'étaient pas pris en considération lors de la demande d'admission.
- Il était interdit de fuir face à un ennemi de force égale ou inférieure. Cependant, une retraite ordonnée devant des forces numériquement supérieures était acceptable
- Chaque membre était tenu de défendre ses frères, ainsi que de venger leur mort le cas échéant.
- Il était interdit de montrer de la peur, dans les mots comme dans les actes.
- Tous les butins de bataille devaient être distribués équitablement entre tous les membres de la fraternité.
- Se quereller était interdit. Les règlements de compte entre membres devaient être arbitrés par les officiers.
- Parler en mal de ses camarades était interdit.
- Les femmes et les enfants, libres ou captifs, n'étaient pas autorisés dans l'enceinte de la forteresse.
- Aucune absence de plus de 3 jours de la forteresse de Jomsborg n'était admise sans l'aval de la fraternité.
L'ensemble de ces règles tendaient éminemment à souder la troupe en authentique fraternité.
Les batailles des Jomsvikings
Les Jomsvikings sont réputés avoir voué un culte à Thor et à Odin et s'érigeaient en défenseur des anciennes croyances. Cependant, en tant que mercenaires, ils acceptaient tout engagement proposé par un seigneur leur promettant une solde suffisante, fût-il chrétien.
- La bataille de Fýrisvellir, Suède (984-985)
La Geste des Danois, le Styrbjarnar þáttr Svíakappa ("Récit de Styrbjörn le champion suédois") et l’Eyrbyggja saga ("Saga de Snorri le Godi") relatent que le prince suédois exilé Styrbjörn le Fort fut responsable d’une défaite écrasante des Jomsvikings à Uppsala, alors qu’il tentait de reprendre par le force la couronne de Suède à son oncle, Éric VI. La cause de la défaite des Jomsvikings fut attribuée à un pacte qu’Éric aurait fait avec Odin.
Trois pierres runiques de cette époque font état de morts héroïques à Uppsala, probablement de trois Jomsvikings: celle de Högby ("Le bon homme libre Gulli avait cinq fils. Le brave champion Asmund tomba sur les Fyris."), la DR 295 ("Eskil dressa cette pierre pour Toki Gormsson, son chef de guerre bien-aimé. Il ne s'enfuit pas à Uppsala. Les champions érigèrent cette pierre pour leur frère sur la colline. Ils étaient des proches de Toki.") et la DR 279 ("Il ne s’enfuit pas à Uppsala, mais combattit aussi longtemps qu’il lui resta des armes.").
Cette bataille est aussi commémorée dans un poème, par le scalde islandais Þórvaldr Hjaltason, qui participa à la bataille du côté suédois.
- La bataille de Hjörungavágr - Norvège (986)
La Jómsvíkinga saga raconte qu'ils furent défaits en 986 par les forces du jarl Håkon Sigurdsson en Norvège.
Après ces deux défaites décisives, il semblerait que le prestige des Jomsvikings ait été amoindri. Pour autant, les batailles gagnées d'avance n'auraient pas nécessité la présence de tels mercenaires.
- La bataille de Svolder - mer Baltique (1000)
La Saga d'Olaf Tryggvason raconte que les Jomsvikings eurent un rôle décisif et perfide dans la bataille. Les Jomsvikings sous le commandement de Sigvaldi Strut-Haraldsson trahit le roi Olaf de Norvège et rejoignit les forces ennemies afin de détruire sa flotte. Cet acte de traîtrise a pu avoir été mené dans l’intention de combattre la christianisation de la Scandinavie dont le roi Olaf se voulait le héraut. Cependant, le roi danois qui s’empara du trône de Norvège à la suite de cette bataille navale fut Svein à la barbe fourchue, un roi baptisé en 965.
Les Vikings de Jomsborg effectuèrent plusieurs autres incursions dans divers territoires scandinaves au Xème siècle et envahirent l'Est de l'Angleterre en 1009.
Aux alentours de 1013, les Jomsvikings retournèrent en Angleterre pour le compte de Svein à la barbe fourchue, avant de changer de camp, peut-être dans le but d'obtenir leur propre danegeld de la part des Anglais, au moment où la principale force d’invasion viking forçait Æthelred II d'Angleterre à se réfugier en Normandie. Cette ruse des Jomsvikings a pu fort mal se terminer (voir ci-après).
En 1043, d'après la Saga des rois de Norvège (Heimskringla), Magnus Ier de Norvège décida de mettre fin à la menace que représentaient les Jomsvikings. Il envahit Jomsborg, détruisit la forteresse et massacra les derniers combattants.
Un massacre dans le Dorset
Pendant longtemps, les sources littéraires concernant les Jomsvikings ont été traités comme des récits mythiques mais, en 2009, une découverte archéologique est venue tout bouleverser: une fosse commune contenant 54 squelettes décapités dans le Dorset, sur le site de Ridgeway Hill.
La datation au carbone et l'analyse isotopique ont indiqué que les corps étaient scandinaves et dataient du XIème siècle, époque à laquelle les Vikings attaquaient constamment les Anglo-Saxons sur la côte sud de l'Angleterre. C'est ce contexte qui conduisit Aethelred II à ordonner la mise à mort de tous les Danois vivant en Angleterre, le 13 novembre 1002, jour désigné sous le funeste nom de "massacre de la Saint-Brice".
Des traces de ce massacre ont été découvertes à Oxford, Londres, Bristol et Gloucester. Mais celui de Ridgeway Hill est différent d'après le Dr Britt Baillie, de l'Université de Cambridge, qui a participé aux fouilles, car ces hommes ont été exécutés méthodiquement et, de façon inhabituelle, décapités par devant. Il pourrait donc s'agir d'un groupe de mercenaires imitant les Jomsvikings, sinon les Jomsvikings eux-mêmes qui, observant à la lettre leur code de conduite, firent face à leur ennemi.
Cette thèse est étayée par une information consignée à la demande de la reine Emma, la deuxième épouse d'Aethelred II, concernant la présence d'un groupe de guerriers vikings en Angleterre à cette époque dirigé par Thorkel le Grand... connu par les sagas comme Jomsviking.
La garde varangienne
La garde varangienne, ou garde varègue, fut un corps d’élite de l’armée byzantine, du Xème siècle au XIVème siècle, formé initialement de mercenaires scandinaves.
"Varègues" (Væringjar en vieux norrois) est le nom donné dans l'Empire byzantin et par les Slaves orientaux aux Vikings de Suède. Sous la direction de Riourik, ces marchands guerriers ont au IXème siècle fondé et gouverné l’État médiéval de la Rus’ de Kiev et, par la suite, formé la garde varègue des empereurs byzantins.
L'origine et la composition de la garde
Des Rus’ entrèrent au service de l’Empire byzantin dès 874. Mais la garde varègue fut fondée en 988 sous l’empereur Basile II, après la conclusion d’un traité avec la Russie kiévienne de Vladimir Ier, qui prévoyait d'envoyer un contingent de 6 000 hommes à l’empereur. Le contingent fit ses preuves en écrasant les armées rebelles de Bardas Phokas et de Bardas Sklèros qui menaçaient l'empire. Basile II, méfiant envers sa propre garde byzantine, préféra employer ces guerriers comme gardes du corps.
La garde fut principalement composée de Scandinaves venus de Suède, du Danemark, de Norvège et d’Islande jusqu’au XIème siècle. Après la conquête de l’Angleterre par les Normands, s’y ajoutèrent un nombre de plus en plus considérable d’Anglo-Saxons fuyant la domination normande. Sous Alexis Comnène, ceux-ci formaient déjà la majorité de la garde.
Pour rejoindre la garde varègue, un guerrier devait être en mesure de s'acquitter d'un montant qui variait de 7 à 16 kilos d'or, avant même toute considération sur ses aptitudes. Cette mesure apparemment unique en son genre, favorisa probablement le recrutement de nombreux et riches aventuriers, princes et même chefs de guerre du nord de l'Europe. Ainsi, l'un des plus célèbres Varègues fut Harald Sigurdarson, futur Harald III de Norvège, dit l'Impitoyable, qui intégra la garde en 1034 et combattit 9 ans pour l’empire, aussi bien en Occident (Italie, Sicile et Afrique du Nord) qu’en Orient (Asie et Syrie).
- Prénoms d'hommes d'origine scandinave et islandaise dans la garde varangienne, d'après les Sagas: Eilífr, Eindriði, Eyvindr, Gríss, Halldórr, Haraldr, Horir, Kolskeggr, Leorkell, Már, Þorbjörn, Þorgestr, Þormoðr, Þorsteinn, Ulfr, Víga-Barði.
Les fonctions de la garde varangienne
Les Varègues constituaient la garde personnelle de l’empereur byzantin à qui ils prêtaient serment de loyauté. À ce titre, ils participaient aux acclamations lors des cérémonies officielles sous le commandement d'un Byzantin, appelé l'Akolouthos ("L'Acolyte") en raison de sa proximité constante avec l'Empereur, puisqu'il devait se tenir immédiatement derrière l'Empereur dans les processions ou derrière le trône durant les audiences.
La loyauté des Varègues devint légendaire chez les auteurs byzantins. Dans la Saga de Saint Olaf, un chef varègue s'adresse ainsi à l’empereur : "Même s’il y avait du feu devant moi, moi et mes hommes nous y jetterions volontiers si j’avais l’impression, ô roi, que je pouvais ainsi gagner votre bon plaisir". Se référant à la prise du pouvoir par son père, Alexis Ier, Anne Comnène note dans son ouvrage L'Alexiade, qu’on lui recommanda de ne pas s’attaquer aux Varègues qui gardaient alors l’empereur Nicéphore, car les Varègues "considèrent la loyauté à l’endroit des empereurs et de leur famille comme une tradition familiale, une sorte de confiance sacrée", et poursuit en écrivant qu’ils "préservent cette allégeance de façon inviolable et qu’ils ne se permettront de la violer en aucune façon". Fidèles au monarque légitime certes, mais les Varègues accordaient leur loyauté à la fonction impériale et non à celui qui était sur le trône, et ne jouèrent aucun rôle dans les multiples révolutions de palais. La preuve en est lorsqu’en 969 la Garde, arrivée trop tard sur les lieux de l’assassinat de l’empereur Nicéphore II, se hâta de prêter allégeance à son meurtrier Jean Tzimiskès.
La garde remplissait certaines fonctions de police pour faire appliquer des lois ou arrêter les opposants politiques de l'empereur.
Elle fut aussi utilisée dans de nombreuses batailles, en renfort dans les moments les plus critiques, ou lorsqu'un conflit atteignait son paroxysme. Des chroniqueurs byzantins de l’époque indiquent que les Varègues étaient particulièrement effrayants, tant par leur apparence en raison de leur grande taille, que par leur équipement - dont l'emblématique hache mesurant, sur le modèle de la hache danoise, 1,40m de long avec une largeur de lame de 17 cm - et qu'ils attaquaient avec rage sans se soucier ni de leur sang, ni de leurs blessures. Le statut d'élite de la garde sur un plan militaire, servant tantôt d'infanterie en position défensive aux côtés de l'empereur, tantôt d'unité de choc offensive, se trouve confirmé par l'adaptabilité de ses positionnements tactiques .
Fort de leur héritage viking, les Varègues étaient appréciés par ailleurs pour leurs compétences maritimes. Ainsi, au-delà des manœuvres sur le champ de bataille et des fonctions du palais, certains des membres les plus jeunes ou moins expérimentés de la Garde étaient choisis pour traquer les pirates. Ces gardes étaient déployés dans des embarcations appelées "chélandion ousiakon" ou simplement ousiakon, plus légères que les navires de guerre byzantins appelés "dromons".
En contrepartie de ses bons et loyaux services, le taux de rémunération de la Garde, auquel s'ajoutaient le "bonus" des pillages et les butins de guerre, était particulièrement élevé. Après une bataille en 1016, l'empereur attribua 1/3 entier du butin à la Garde seule, conserva 1/3 pour lui et distribua le dernier tiers au reste de l'armée. De plus, Lorsqu’un empereur mourait, les Varègues avaient le privilège unique de pouvoir se rendre au Trésor impérial et de s’emparer d’autant d’or et de joyaux qu’ils pouvaient en transporter, une coutume connue sous le nom de poltasvarf en norrois ("pillage du palais"). Ce privilège permit à nombre d’entre eux de retourner chez eux avec de grandes richesses, ce qui encouragea d’autres Scandinaves à rejoindre les rangs de la garde.
Les Varègues occupèrent essentiellement le même type de fonctions dans la druzhina de la Rus' de Kiev.
Les housecarls
Les housecarls (du vieux norrois húskarlar, anglicisé en huscarl en vieil anglais, de hus, maison, et carl, homme), appelés aussi les heiðþegar en tant que membres de la hird du roi en Norvège, ou les heimþegar au Danemark, composaient la garde personnelles des seigneurs et rois scandinaves - ainsi que de rois anglo-saxons- au cours de l'Âge Viking.
Les housecarls connurent un âge d'or entre 1015 et 1035 en tant que force d'occupation danoise en Angleterre sous Knut le Grand. Malgré cela, et bien qu'ils aient été sélectionnés dans l'armée parmi les soldats les plus robustes et expérimentés pour former un corps armé privilégié, mieux rémunéré (salariés plus que mercenaires) et mieux équipé que la majorité des guerriers, ce statut supérieur ne permet pas à lui seul d'affirmer qu'ils représentèrent une élite militaire.