Les Vikings, le vrai du faux
Les Vikings, le vrai du faux
Sommaire
Les Vikings étaient un peuple, vrai ou faux?
- Etymologie
- Origine et définition
- L'Ouest, le Sud et l'Est
Les Vikings étaient des barbares, vrai ou faux?
- Des fermiers avant tout
- Bas les casques (à cornes)
Les Vikings étaient des géants, vrai ou faux?
- Grands comme des palmiers
- Une taille supérieure à la moyenne européenne
Les Vikings étaient un peuple, vrai ou faux?
Etymologie
- En vieux norrois et vieil islandais: Víkingr (pluriel Vikingar), Víkinger, Víkingir
L'étymologie la plus largement admise en fait un dérivé du norrois vík signifiant "anse, crique, bras de mer entre deux îles", i.e une baie, un endroit dégagé de la côte qui permet d'accoster et que l'on retrouve dans divers toponymes comme par exemple Reykjavik ( pour "baie des vapeurs") en Islande ou les plages en France de Plainvic et de Vicq-sur-Mer dans le Cotentin. Le Viking serait alors "celui qui fréquente les anses, les criques ou les bras de mer".
Une autre étymologie en fait un dérivé du verbe vikja qui renvoie à l'idée de vitesse et de mouvement prompt qui pourrait correspondre aux performances du bateau viking.
L'étymologie la plus convaincante selon Régis Boyer ("Les Vikings", éd. Robert Laffont), serait le terme latin vicus, lui-même dérivé du terme indo-européen très répandu weik, "qui s'appliquerait à ce comptoir ou port saisonnier ou d'escale (...). Le Viking serait alors le navigateur qui se rendrait de 'vicus' en 'vicus' afin d'y décharger ses marchandises, de pratiquer le troc ou bien de faire ses achats".
- En vieil anglais: Wīcingsċeaða
- En vieux frison: Wītsing.
Ici, le radical en vieil anglais wīc ou en vieux frison wīk ont tous deux le sens de "camp".
Origine et définition
Le mot Viking était utilisé pour qualifier avant tout une activité, car il n'a été employé au cours de cette période historique que pour désigner, en Scandinavie, celui qui partait en expédition: fara í víkingu ("ceux qui partent en expédition").
Ailleurs, les témoins de l'époque utilisent d'autres termes:
- En vieux francique: Nortman (pluriel Nortmanni, pour "Normands", i.e les hommes du Nord), Pirati (pour "pirates"), Dani (pour "Danois") ou Pagani (pour "païens")
- En arabe: Mad̲j̲ūs, Majus (pour "sorciers païens")
- En gaélique: Finngaill (pour "étrangers blancs", les Norvègiens) et Dubhgaill (pour "étrangers noirs", les Danois)
Devenu péjoratif dans les récits du XIIème siècle où il est synonyme de "brigand" et de "bandit", le terme Viking ne subsiste qu'en Scandinavie, pour finalement réapparaître en Europe avec le courant artistique romantique au XVIIIème siècle, sous les traits d'un intrépide guerrier barbare. Un Viking mythifié dont la blondeur sera exaltée par les nationalistes dès le XIXème siècle. Au XXème siècle, le terme devient un adjectif conventionnel pour faire référence à la Scandinavie médiévale, sa culture et son art vikings, son expansion avec les colonies vikings et finalement ses habitants, les Vikings.
=> Le mot Viking désigne donc une activité et non une ethnie.
De nos jours, le mot Viking sert à qualifier:
- une ère culturelle partageant, avec des variantes:
- une langue > le vieux norrois,
- une institution politique et judiciaire > le Þing,
- une technologie de navigation et des techniques de combat,
- une architecture,
- une façon de se vêtir,
- des rites funéraires, des croyances et une mythologie.
- une aire géographique comprenant la Norvège (puis l'Islande), la Suède et le Danemark.
L'Ouest, le Sud et l'Est
Les Vikings de Norvège sont ceux qui ont navigués le plus à l'Ouest, vers les îles Féroé, les Orcades, l'Islande, puis le Groenland et enfin le Nouveau Monde.
Les Vikings du Danemark ont investi la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée vers l'Espagne et l'Italie.
Les Vikings de Suède ont exploré les terres plus à l'Est en passant par les fleuves, les rivières et les lacs russes jusqu'à Byzance. À l'Est, ils sont alors nommés Varègues ou encore Rus:
- En vieux norrois: Væringr (pluriel Væringjar) / Rus
- En slave: Varjag / Rous’
- En grec: Βάραγγος [Várangos] / Rhos
- En arabe: Varankh / Rûs
Les Vikings étaient des barbares, vrai ou faux?
De la piraterie aux batailles rangées, la notoriété de l'Âge Viking, qui démarre à l'Ouest avec le pillage de Lindisfarne et s'achève avec la bataille d'Hastings, s'est bâtie avec fulgurance (250 ans) à travers des histoires de violence et de sang. Mais la réalité qui se fait jour à l'aune des découvertes archéologiques est autrement plus complexe et nuancée.
Dans un entretien pour Science et Vie, Anne Nissen Jaubert, professeure d'archéologie médiévale à l'Université Paris 1, rappelle que l'image d'épinal du barbare sanguinaire vient en premier lieu des sources écrites: "Pendant très longtemps les historiens n'ont disposé que de récits rédigés dans un contexte chrétien: on peut donner l'exemple des annales royales franques. Pour les rédacteurs de ces récits, les Vikings n'étaient pas seulement de redoutables fauteurs de troubles, ils étaient aussi des païens qui s'attaquaient à des chrétiens. À cela s'ajoute le fait que les sources scandinaves contemporaines - c'est-à-dire essentiellement les pierres runiques et, plus tard, les sagas - glorifient, elles aussi, la violence et la bravoure guerrière."
Des fermiers avant tout
Pour la plupart, ceux désignés de nos jours par le terme Vikings, étaient essentiellement - et parfois tout à la fois - des fermiers, des pêcheurs (à bord de bateaux ou caboteurs que l'on nomme ferja), et des artisans. Le pilier de la famille et de la société viking est l'homme libre, appelé bóndi, un propriétaire héréditaire des terres qu'il cultive, libre de participer au thing, une assemblée politique et judiciaire.
Pour une autre part, ceux désignés étymologiquement par le terme Vikings, étaient des marins, qui embarquaient à bord de deux familles principales de navires: les langskip qui sont des navires de guerre et les kaupskip qui sont des navires de commerce. N.B: Le terme erroné de "drakkar" pour désigner ces navires est apparu en 1840 sous la forme drakar, emprunté au pluriel du mot suédois moderne drake dans le sens de "dragons" (issu de l'ancien scandinave dreki, pluriel drekar), dans Archéologie navale, tome I, d'Augustin Jal.
Ainsi, autour des mers Noire, Méditerranée, Baltique, et le long des fleuves de l'Europe continentale, les Vikings étaient commerçants, marchands d'esclaves et mercenaires. En Islande, au Groenland puis au Nouveau Monde, les Vikings se sont faits aventuriers et explorateurs.
Partout où ils se sont rendus et où cela a été possible, les Vikings sont devenus colons. Un de leurs grands atouts fut leur capacité à l'acculturation, c'est-à-dire à adopter et à s'adapter à un large éventail de cultures, que ce soit l'Irlande chrétienne à l'Ouest ou le califat abbasside musulman à l'Est.
Bas les casques (à cornes)
Souvent associé à l'image de féroce barbare, le casque à corne dont la culture populaire affuble les Vikings n'est attesté par aucune preuve historique. Cette association est un produit du romantisme du XIXème siècle, née lorsque Carl Emil Doepler confectionna en 1876 des casques à cornes pour la première présentation du Der Ring des Nibelungen de Wagner au festival de Bayreuth.
Dans l'Histoire, des ornements de casque en corne animale ou imitant leur forme furent utilisés dès le Mésolithique pour des cérémonies religieuses ou des rituels et il est possible que les Vikings en aient également eu un usage cultuel. Mais entre le VIIIème et le IXème siècle, les guerriers vikings portaient de simples casques de cuir bouilli ou de métal, parfois équipés de lunettes et d'une protection nasale.
Les Vikings étaient des géants, vrai ou faux?
Grands comme des palmiers
Ibn Fadlan, un lettré d’origine arabe du Xème siècle, a été envoyé en 921 en tant que secrétaire de l'ambassadeur du Calife abbasside de Bagdad auprès du roi des Bulgares, en suivant la route commerciale de la Volga. À son retour, il écrivit un récit (Risala) de son voyage, un voyage au cours duquel il rencontra un peuple appelé Rus, d'origine suédoise, agissant en qualité de commerçants dans la capitale bulgare. Il les décrivit ainsi: "J'ai vu les Rûs, qui étaient venus pour leur commerce et étaient descendus près du fleuve Ati!. Je n'ai jamais vu corps plus parfaits que les leurs. Par leur taille, on dirait des palmiers. Ils sont blonds et de teint vermeil."
Les chroniqueurs européens ont fait des observations similaires. Les Annales de Fulda mentionnent qu'en 884, les Francs repoussèrent en partie l'attaque des Vikings lors d'une bataille en Saxe, et font état de leur grande taille: "Il a été dit que les hommes nordiques tombés durant la bataille furent tels que l'on en a jamais vus auparavant parmi le peuple des Francs, à savoir de tant de beauté et de corps de grande taille." [in quo certamine tales viri Nordmannis cecidisse referuntur, quales numquam antea in gente Francorum visi fuissent, in pulchritudine videlicet ac proceritate corporum]
Une taille supérieure à la moyenne européenne
Les archéologues ont étudié des ossements découverts dans les tombes de l'Âge Viking pour faire la lumière sur ces témoignages.
Dans son ouvrage The Vikings, l'archéologue danoise Else Roesdahl écrit: "L'examen des squelettes de différentes localités en Scandinavie révèle que la taille moyenne des Vikings était un peu inférieure à celle d'aujourd'hui: les hommes mesuraient environ 1m72 et les femmes 1m59. Une récente étude anthropologique plus approfondie a été réalisée au Danemark, mais la situation doit avoir été semblable partout ailleurs. Des squelettes de personnes mesurant jusqu'à 1m84 ont été trouvés; et ceux dans des tombes vikings richement meublées - appartenant à des personnes de haut rang - ont été en moyenne beaucoup plus grands que ceux dans les tombes plus ordinaires, sans doute en raison de conditions de vie meilleures. Une tombe du Langeland au Danemark contenait deux hommes adultes, typique, le plus petit a été décapité et a eu probablement les mains liées derrière son dos, tandis que l'autre a été enterré de façon traditionnelle avec sa lance - de toute évidence, le cas d'un esclave (mesurant 1m71) qui a dû accompagner son maître (1m77) dans la mort. Par ailleurs, le squelette trouvé dans l'église de Jelling, qui passe pour être celui du roi Gorm du Danemark (connu autrefois sous le nom de Gorm l'Ancien), n'était que d'une taille moyenne (1m72)."
Les tailles relevées par les archéologues sont similaires pour la même période à celles évoquées par le chercheur Richard Hall Steckel dans son étude sur l'évolution de la taille moyenne en Europe du Nord: Health and Nutrition in the Preindustrial Era: Insights from a Millennium of Average Heights in Northern Europe [pdf]
La marge de variation qui ressort de l'examen des ossements, avec certaines personnes plus grandes que la moyenne et d'autres plus petites, est tout à fait dans la norme.
La taille moyenne des Vikings (1m72) reste supérieure à la taille moyenne des Européens de l'époque (1m54).